A l’aube des grands changements amorcés par le gouvernement, La gestion du projet Masoandro au sein du Rova d’Antananarivo, nous démontre combien le pays, pour être à la hauteur des ambitions présidentielles, doit affronter des défis majeurs, auxquels, au vu des évènements- il n’est pas préparé, le tout en marge et sur fond d’épidémie covid, ce qui ne simplifie pas la tâche, mais n’empêche point de s’y atteler :

Il est impensable, notamment, que le ministère de tutelle, pour se disculper de l’injustifiable (carences légales du projet ?), campe sur la légitimité d’un comité scientifique qui a renié publiquement avoir validé le projet Masoandro, (là encore il reste à expliquer une volte-face rebondissante), tout en se confondant avec aplomb sur son ignorance du dossier soumis pourtant le 02 Fevrier 2016 par le Ministère de la culture et de l’artisanat(..), pour le classement à l’Unesco de la colline d’Analamanga comme patrimoine mondial (demande par ailleurs porté par la Commune Urbaine d’Antananarivo- grande silencieuse de cette affaire – en coopération avec l’Ile de France…

Le malentendu sur le patrimoine, semble plutôt que public, administratif (1). Il est nécessaire de se pencher sur la cohérence politique entre l’Etat et ses administrateurs…, au moins en matière de sauvegarde du patrimoine.

Pourtant les outils sont là, par exemple : l’application de la ZPPAUP (2) (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) initié il y a 15 ans – déjà – un autre partenariat de la CUA avec la France, nous aurait probablement évité les éboulements dont est sujette la Haute-ville, et aurait pu faire entendre raison quant à assumer -ou plutôt pas- une telle entreprise architecturale…

Le manque de sensibilisation, ou bien peut-être de vulgarisation des procédures, auprès d’un comité qui devrai réunir administrateurs et techniciens (géomètres, architectes, pompiers, acteurs de terrains ?…) auront eu raison du bon sens, et pour conséquence ce visage de la Haute ville qu’on connaît aujourd’hui ? Ne cherchons ici que les solutions…

Il fut un temps, un certain nombre de demandes de Permis de construire aurait passé outre le circuit normal : opacité des conditions d’octroi, entre ploutocratie et népotisme, un clientélisme administratif pressé et néfaste.

Un courageux comité technique a bien tenté, en s’insérant au cœur du sérail de la Commune urbaine, de juguler l’hémorragie d’un PLU (3) dépassé. Ils auront tenu quelque temps, avant de baisser les bras, assez peu soutenu, aussi bien par l’administration de l’époque, que par leur pairs (il s’agissait de bénévolat nécessitant un relai). A classer dans les démarches trop avant-gardistes pour être comprises par l’appareil institutionnel de l’époque.

La complexité de la question foncière participe à cet embrouillamini, quand les constructions, qui à l’évidence contredisent les Décrets et les alignements, ou s’érigent sur des biens de l’Etat, arrivant à s’attribuer des documents officiels des Service des Domaines, aboutissant à des aberrations comme la privatisation du jardin d’Antaninarenina, ou encore la privatisation de points de vues remarquables offerts par la haute ville sur la plaine du Betsimitatatra, obstrués de constructions privées, ou convertis en parking, etc… pointons cette fois un manque de cohérence pratique , entre les visions de l’Etat et celle de ses administrateurs : La Banque mondiale qui classe Madagascar comme parmi ses plus mauvais élèves en matière de bonne Gouvernance, révèle un indice quasi à zéro sur le respect des procédures notamment de Permis de construire…

Ne pas considérer des Chartes ou Traités ratifiés par des pays traitant de la question du patrimoine(4), crédités sur une plus longue lignée générationnelle que nous, et qui ont vu-su, se succéder les pouvoirs, traitant la question avec tant de considération, est inconscient : aux yeux d’un successeur (…) cette œuvre « marquante » qui s’affranchit des règles de base de légalité, ne peut qu’être fragilisée, et facilement discutable.

Si la volonté musclée, du pouvoir en place est bien là, ce qui est louable, que faire de ce mépris des procédures ? On parle de la construction d’un Colisée en béton, en plein site muséal, qui n’a pas fini de livrer ses secrets historiques, archéologiques…

Introspection…

Les grands projets Mitterrandiens, ont bien été taxés de Faits du prince, mais la pyramide de Pei répondait au mieux à un cahier de charge drastique, concernant la réflexion sur l’attractivité, les normes, les flux, la sécurité des personnes et des biens… etc…, bref… de vrais enjeux architecturaux.

Ici, la réponse programmatique apportée pour l’attractivité touristique (?) parait bien faible par rapport à la richesse d’un discours de sacralité et de genèse urbaine, car, ne l’oublions pas: avant d’être une accumulation, de compétition de palais et d’influences, il y avait bien ici, les origines d’un peuple… maintenant enfouies sous le béton.

Il ne faut cesser de plaider. Pour la consultation. Pour des concours d’architecture, un moyen de révéler des points de vue, des talents, et de surprendre. Souvenons-nous du projet de Prolongation de l’Avenue de l’Indépendance, initié par la SEIMAD (5) de l’époque (…), sur Campagne populaire…

Mais se laisser surprendre, Il est vrai, demande de l’humilité. Ce qui n’est pourtant pas contradictoire avec l’envie de changer les choses, bien au contraire…cette forme d’humilité est celle qui exprime les voix multiples pour au final être représentative d’un tout, et laisser parler le concept sociologique de la « dimension cachée » (6)

Sans cette réflexion, multi directionnelle, qui prend en compte l’enjeu urbain, sociologique, technique, économique, nous priverons les générations futures d’un socle authentique d’expression et d’existence.

Mais peut-on bâtir un pays avec moins de 70 architectes malgaches inscrits au tableau de l’Ordre des architectes Malgaches, alors que l’Ordonnance N°93.018 du 25 Avril 1993 exige le recours à ces derniers ?

Au sein même de l’Ordre , relativement jeune (25ans d’existence, c’est peu), autre grande muette dans l’ « affaire », les voix sont discordantes : partagés entre la crainte de se lever pour faire respecter un acquis(7) arraché de haute lutte, et celle de crier au scandale du « Fait du Prince », interprété par une partie de l’opinion publique comme un sacrilège, et qui s’apparente à une privatisation de l’appareil de l’Etat. La mission de l’Ordre est de ce fait cruciale : c’est bien à lui que reviens la mission de garantir la bonne pratique (8) d’un métier encore trop peu impliqué dans les réalités d’abord administratives, puis dans les réalités de terrain (9).

Le Kenya, à surface égale (600.000km²), uniquement sur Nairobi, la capitale, compte 938 architectes reconnus. Ce défaut en nombre, mathématique, est une des pistes à suivre pour comprendre la difficulté à appliquer les lois qui assujettissent la construction, et qui, même au sommet de l’Etat, peinent à être honorées (10).

(1) Manque de définition, du choix porté… Cf. Destruction de la poste Antaninarenina, parlant d’un « patrimoine contemporain » à sauvegarder…
(2) ZPPAUP S’inscrit en plus d’un plan vert de la commune d’Antananarivo, d’un devoir de mémoire collective, d’esthétisme tenant compte des usages, et de durabilité. Elle définit également un périmètre « intra muros » de 80Ha, avec une zone tampon de 170Ha. http://www.interscene.fr/zppaup-de-tanarive-madagascar-2005-2009/
(3) Le PLU, ou Plan Local d’Urbanisme, a pour vocation de protéger les éléments remarquables du territoire communal : patrimoine bâti et naturel.
(4) La Charte de Venise, fournit un cadre international pour la préservation et la restauration des objets et des bâtiments anciens. Elle a été approuvée par le IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, réuni à Venise en Mai 1964.
Cette charte impose en particulier « que l’on restaure les monuments historiques dans le dernier état connu ».
(5) SEIMAD : SOCIETE D’EQUIPEMENT IMMOBILIER DE MADAGASCAR, Sous tutelle du Ministère de l’Aménagement du Territoire et des Services fonciers, Certifié ISO 9001
(6)  La Dimension cachée (titre original : The Hidden Dimension). essai. Edward T. Hall. 1966.
(7) Toute construction au-delà de 170m² doit avoir recours à un architecte inscrit au tableau
(8) Art 21 de l’Ordonnance 93-018 : Il a pour mission : de protéger le titre et le métier «Architecte»
(9) Le défi Malgache, est aussi-surtout, social et durable : avec 80% de sa population en dehors des villes, qui peut donner l’alerte pour se pencher sur le visage de la ruralité de demain ? On sera toujours mieux à l’anticiper qu’à le subir… avec un coût de construction estimé à une valeur égale à 50 fois le revenu par habitant, selon le « doing buisness » de la BM, difficile de ne pas interpeller les compétences, en matière d’urbanisation et de conception de logement social…
(10)  A titre de référence, le Kenya compte 90hab/km². Seul 9 Pays d’Afrique ont ouvert une école d’architecture : Algérie, Côte d’Ivoire, Maroc, Tunisie, RD Congo, Sénégal, Mali, Togo, et Cameroun.

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