Noely Ratsimiebo, à l’origine du projet Talinjoo, nous fait l’honneur de partager son parcours et sa vision de la féminité.

DU PREMIER STYLO À LA PREMIÈRE PIERRE

Je suis née à Tanà, d’un père malgache et d’une mère française. C’était dans les années 80, donc j’ai grandi dans la malgachisation de Ratsiraka. De l’EPP AnTanimbarinandriana au lycée Gallieni, je suis partie ensuite en france suivre le cursus architecture en France, il n’y a pas d’école à Mada qui permette d’avoir un diplôme reconnu. Mes parents, pour bien asseoir les bases, m’ont fait suivre un BTS à l’IST Ampasapito, ce qui m’a permis d’avoir des équivalences pour ne pas trop traîner dans les études qui sont assez longues. Je n’ai jamais coupé le lien avec le pays, mes parents étant férus de patrimoine et de culture, ils se sont fait un point d’honneur pour qu’on parle malgache et qu’on sache d’où on vient.

Talinjoo a posé sa première pierre il y a 12 ans maintenant. Ça ne s’est pas fait d’un coup. C’est un projet couture, sur mesure. Je dois remercier mon compagnon de route d’avoir supporté, et d’ailleurs de continuer de le faire, car un projet, c’est aussi l’aventure d’un maître d’ouvrage (…).

Une architecture qui joue avec les « volumes sous la lumière »

Le logo représente le coquillage de Sainte lucie qu’on trouve en pagaille sur la plage en contre bas. Le mot Talinjoo a été choisi tout d’abord parce que c’est un dialecte du sud : le talinjoo, c’est la silhouette : l’ombre, le reflet, un mirage… parfait pour décrire une architecture qui joue avec les « volumes sous la lumière » (…) C’est aussi une façon de dire que quand vous êtes ici, vous êtes face à vous-même, dans votre habit : c’est votre projection en dimension habitable. Une sorte de 4D.

EN TÊTE-À-TÊTE AVEC SOI-MÊME

Made in Mada ! Oui, en priorité. Être là et pas ailleurs. Quand vous êtes loin, cela vous manque. La gastronomie fait partie du challenge. C’est aussi un concept en plus, pour moi : mettre le visiteur au rang de l’expérience, quoi de plus proche, de plus intime, que d’évoquer, des parfums, des saveurs. Seul face à vous-même dans ce que vous goûtez, vous ne pouvez pas tricher sur votre resenti. Quelque part, c’est donc un moyen d’atteindre une vérité de l’instant….et une façon de compléter le talinjoo comme un projet créatif en perpetuelle recherche d’expression.

DU BUSINESS ? NON, DE L’HUMAIN !

Je ne me considère pas vraiment buisness woman. J’aime créer. C’est dur pour moi de tenir dans le temps la réalisation des projets.

Je fais du « slow-buisness »

Il me manque la pugnacité pour en être: je suis issue d’une famille d’artiste, d’utopistes. L’aspect humain l’emporte toujours. Avec l’expérience j’apprend la rentabilité. Dans le jargon, on dit que je fais du « slow-buisness »

FEMME TENACE

Dans la définition, je me sens plus proche de Yourcenar ou de Badinter, que de Beyoncé ou Rihanna… Je crois qu’il y a toujours beaucoup d’éducation à faire, veiller à ne pas perdre un mm de ce que les anciennes ont acquis pour nous dans la lutte.

« On est d’abord un cerveau »

Je ne comprends pas qu’aujourd’hui on puisse remettre en cause le droit à l’avortement, à la contraception, je suis pour l’égalité des salaires, bref, l’égalité des chances, et la liberté de choisir la vie que l’on veut mener. Je suis contre toute forme de discrimination. Je pourrai considérer le féminisme comme une arme, une carte supplémentaire. Ma mère nous a toujours dit : « On est d’abord un cerveau ». Dans mon parcours, je n’ai jamais eu l’occasion de m’en servir. Peut être parce que avant d’être une femme, ou autre chose, je suis métisse, c’est cela qui m’a été imposé comme expression car j’ai eu plus de difficultés à gérer deux cultures qu’à gérer ma féminité.

NEXT EPISODE ?!

Par quoi commencer ? J’en ai tellement, tout le temps, c’et devenu un handicap pour finir ce qui est commencé. Alors je dirai que le prochain projet, c’est de bien finir ce qui a été entamé !

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